Rencontre de fonctionnaires de Police et de personnes victimes de violences familiales

Ces quelques éléments d’introduction sont issus du travail de psychothérapie poursuivi depuis de nombreuses années au C.M.P. avec des patients que j’ai écoutés et qui m’ont beaucoup appris. Ils prépareront la discussion avec les formateurs qui exposeront des exemples et les échanges avec les patients .

 

 

Les adultes subissant des violences dans leur vie familiale ( et/ou professionnelle..) ont souvent déjà vécu dans la violence dans leur enfance et se sont structurés en fonction de la loi du plus fort et de la loi du silence qu’ont imposées leur(s) parent(s).Ils auront tendance à répéter le même type de relation d’abus de pouvoir dans leurs relations affectives avec leurs plus proches (conjoint(e), enfants, collègues…).En parler, se défendre, se maîtriser, déposer plainte auprès de la police, rencontrer un avocat nécessite pour eux une complète remise en question.

 

I - La construction de la relation de maltraitance dans l’enfance

 

 

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    • L’enfant maltraité se construit dans le non-droit et l’abus de pouvoir en fonction de la demande de ses parents
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      pour avoir leur amour et une sécurité affective et matérielle puisqu’il est complètement dépendant d’eux.

 

- Pour ne pas être rejeté ou abandonné, il intègre d’être le méchant, le fautif, le " nul "…, en bref d’être le bouc émissaire et pense mériter d’être délaissé, disqualifié, insulté et/ou frappé et même torturé : Etre aimé = Etre le souffre douleur, être l’objet de la haine et du sadisme de ses parents. Il peut aussi lui arriver, en raison de sa quête d’amour, de ne pas pouvoir se défendre et d’être la victime d’un abuseur pédophile ou d’un frère ou d’une sœur…

 

- Pour garder le lien d’amour, il peut aussi être entraîné par le parent à être son objet de plaisir sexuel et là encore c’est l’enfant qui portera la honte à la place du parent incestueux : Etre aimé = être un objet de jouissance.

- L’enfant est aussi maltraité lorsqu’il vit dans le climat de violence causé par les disputes entre ses parents : il a peur pour eux mais aussi pour lui ; c’est ainsi qu’il apprend à agir la violence et /ou la subir. Il cherchera à apaiser le conflit en protégeant physiquement l’un ou l’autre et peut devenir ainsi le bouc émissaire et le coupable…

 

En conclusion

ce qui enferme l’enfant maltraité et le noue dans son silence, c’est sa demande d’être accepté, reconnu, protégé ( besoin fondamental de tout enfant) qui n’est jamais satisfaite et la constance de la menace de l’abandon voire du désir de destruction et de mort que ses parents lui adressent plus ou moins explicitement.

 

 

Des ouvertures sur un " ailleurs " humain peuvent lui avoir été offertes

l’attention d’un autre membre de la famille, une institutrice, une famille voisine, un camarade d’école, un policier intervenant dans l’école pour une mission de prévention…Alors il saura que les enfants n’ont pas seulement des obligations- ça il le sait bien- mais aussi des droits et son avenir s’en trouvera modifié.

A coté de la loi du caprice imposé par ses parents, commenceront à exister des règles qui exigent le respect de la dignité et de l’intégrité de la personne chez l’enfant ainsi que de ses besoins fondamentaux.

Plus tard dans sa vie d’adulte, pourront se juxtaposer ces deux types de fonctionnement : vivant de manière tout à fait adaptée dans certains secteurs et agissant ou subissant une relation de maltraitance par ailleurs.

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II -

Les parcours de vie des enfants maltraités

 

Plusieurs cas de figure se présentent :

 

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  • Devenu adulte, Il cherchera à satisfaire ce besoin fondamental de sécurité affective
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    et de protection en donnant de multiples preuves de sa bonté et de sa générosité ; il est prêt à tout pour être aimé ; Après avoir été le " méchant ", il veut être reconnu comme le " gentil ", ce qui le met en situation de dépendance et d’incapacité à se défendre quand tôt ou tard il rencontrera des personnes qui sentiront cette fragilité derrière leur apparente force et ne manqueront pas de l’utiliser à leur profit en leur faisant croire qu’ils sont aimés, reconnus et protégés

 

C’est un long processus de séduction qui peut aboutir à la mise en place de différentes formes d’emprise :

-la tyrannie familiale par le /la partenaire, les enfants…

-l’exploitation au travail puis le harcèlement moral pour faire partir la personne

- la prostitution

-le recrutement par une secte

 

Cette emprise se caractérise souvent par une alternance paradoxale d’attentions gratifiantes et de disqualification détruisant toute estime de soi ; cette maltraitance psychologique peut s’accompagner de menaces induisant un climat de terreur et /ou de violences physiques : l’adulte victime est complètement envahi par ses terreurs d’enfant sans avoir conscience que son histoire se répète car il a voulu oublier et idéaliser ses parents. Ce qu’il cherche désespérément, c’est la transformation du bourreau et au delà du parent maltraitant.

Ce qui reste inadmissible sans un travail de remise en question , c’est d’accepter qu’il n’y aura pas de réparation, que personne ne pourra donner ce qu’iln’a pas reçu de ses parents, que le bourreau ne changera pas … Personne ne comprend pourquoi une femme battue ou un homme maltraité ne peut quitter son partenaire….

 

En fait c’est son parent qu’il quitterait dans cette séparation or toute sa vie, il a subi pour ne pas être abandonné et se sentir basculer dans le vide. Ce renoncement ne peut se faire que s’il y a un soutien relationnel solide par une amitié, une psychothérapie…, en bref si la victime est accompagnée .Or le plus souvent elle est très isolée soit du fait des exigences du partenaire soit parce qu’elle a renoncé à se faire comprendre par son entourage qui répond " ya qu’a " le quitter  ou " ya qu’a " se défendre. Pour se défendre faudrait-il encore qu’elle soit sûre d’être crue et surtout qu’elle n’est pas elle même la coupable…alors qu’on le lui répète depuis son enfance.

 

Dans sa vie familiale, l’adulte peut lui même recréer cette relation d’emprise avec ses enfants

. Pendant toute son enfance, il a été soumis à des contraintes , des limites sans autre justification que le caprice ou l’intérêt du parent . Devenu parent lui même, il aura tendance à ne pas poser de limites à ses enfants car ce serait être un mauvais parent comme le sien. Il va alors créer le même type de relation, en sens inverse et permettre -inconsciemment- à son enfant d’être un " enfant roi ", un tyran comme l’a été son propre parent. Il sera à nouveau maltraité par son enfant.

 

 

Prendre rendez-vous avec un avocat nécessite qu’on pense qu’on a des droits.

Comment le penser quand on s’est vu refuser le droit de penser et d’avoir des droits par ses propres parents qui sont la première référence ?

 

Aller déposer plainte dans un commissariat nécessite aussi qu’on pense avoir raison et qu’on a le droit de se défendre.

La victime doit faire un réel effort car elle a très peur qu’on ne la croit pas puisque depuis son enfance, elle est coupable et que sa parole n’a jamais compté ..ni même été sollicitée.

 

mais surtout qu’on a accepté la rupture

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Ce ne sont pas les représailles que les victimes craignent le plus comme on le pense le plus souvent mais le vide, la solitude, la peur de l’abandon souvent accompagnée d’idées de suicide . Si elles supportent aussi longtemps le harcèlement, c’est parce qu’il est encore un lien , le même que celui qu’elles ont connu dans leur enfance, la seule forme d’amour qu’elles connaissent. C’est souvent pour cette raison qu’elles préfèrent une main courante comme un premier pas et aussi une mise en garde avec encore l’espoir que l’autre va comprendre ..va changer.

Il est souvent inutile de les dissuader. Il faut savoir être patient et les accompagner dans leur désillusion en les soutenant et en les invitant à revenir.

Ce premier accueil par un représentant de la loi est déterminant pour la suite car elles viennent demander la confirmation de leur droit à être protégées et respectées dans leur dignité et leur intégrité. Ce n’est qu’après cette confirmation qu’elles pourront penser et accepter que l’autre doit être sanctionné.

 

 

¤ A l’extrême inverse, la victime peut s’identifier au parent maltraitant et répéter le même type de relation en l’inversant .

 

¤ A minima, des réactions impulsives de violences verbales et/ou physiques vécues avec beaucoup de culpabilité et une grande difficulté de contrôle de soi dans des moments d’anxiété : l’opposition d’un enfant , une remarque agressive du partenaire ou d’un collègue- toutes situations qui le renvoient au vécu de son enfance. Ces personnes viennent quelquefois demander une aide psychothérapique.

 

¤ A maxima , des comportements d’extrême violence à l’égard de personnes à qui ils adressent toute la haine et le désir de vengeance qu’a fait naître en eux la violence de leurs parents. Quelquefois confrontés à une décision de justice avec injonction thérapeutique, ils peuvent enfin avec beaucoup de résistance faire un travail de thérapie et nouer une relation affective positive- ce qui nécessite beaucoup de patience de la part du thérapeute à l’égard de son patient….

 

C’est le même schéma qui peut s’appliquer dans le cas de certains pédophiles et parents incestueux : ils répètent la même relation d’abus dans une tentative répétée de maîtriser cette effraction commise sur leur corps d’enfant et qui les a privé à jamais de découvrir par eux mêmes leur corps et les sensations de plaisir.

 

 

III - Des témoignages de personnes victimes de violence

 

Ces personnes ont accueilli avec beaucoup d’intérêt la demande émanant de fonctionnaires de Police d’échanger avec eux sur les situations de violences psychologique et physique qu’ils avaient vécues.

 

Certains ont fait des démarches auprès de la Police et de la Justice . D’autres n’ont pu y arriver et ces échanges pourront avoir valeur d’assumer devant des représentants de la loi leur situation de victime et sortir de la loi du silence .

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